Les aphrodisiaques dans la culture et la religion arabo-musulmane

La déesse grecque de l’amour Aphrodite a donné son nom aux aphrodisiaques, des produits  visant à augmenter sa libido et son plaisir. Ces stimulants sexuels naturels ont toujours eu leur place dans les traditions arabes et la culture musulmane.
La médecine traditionnelle arabe est riche en remèdes aphrodisiaques, en tous genres. De grands médecins et savants historiquement connus comme Al-Soyuti, ont traité des herbes médicinales et de l’apport des aliments en général, notamment concernant la sexualité. Mais la majeure partie des recettes reste encore sous forme de tradition orale, transmise d’une génération à l’autre par les détenteurs du savoir ancestral.

Aphrodisiaques et Islam : halal ou haram ?

Pour un pratiquant de l’Islam, il est légitime de s’interroger pour savoir si les aphrodisiaques sont autorisés par la religion, en tenant compte de ce que dit le Coran et la tradition (exégèse): ils le sont !
Le Coran accorde un grand intérêt à la vie maritale, donc à la sexualité, la considérant comme un élément de santé physique et mentale fondamental. La Coran, suivi par les nombreux écrits exégétiques fait un lien permanent entre le « sexuel » et le « sacré. La « jouissance » et la « foi » sont indissociables, elles se complètent harmonieusement : « Une société équilibrée, dit A. Bouhdiba, donne une sexualité équilibrée ». (1)
Le Coran , on peut lire: « Vos femmes sont un vêtement pour vous, et vous êtes un vêtement pour elles… Cohabitez avec elles et recherchez ce qu’Allah a prescrit pour vous » (2).
Parallèlement à cette philosophie de la sexualité en Islam, il y a aussi une autre considération qui avait une grande importance à l’époque de la naissance de l’Islam : l’accroissement démographique de l’espèce humaine, notamment de la communauté islamique. « Mariez-vous et procréez, aurait dit le Prophète ; vous serez pour moi un élément de fierté parmi les nations, au jour de la Résurrection ».
Les Oulémas (exégètes du Coran) eux-mêmes citent et conseillent des aliments aphrodisiaques ou autres stimulants sexuels dans leurs ouvrages. Le Prophète lui-même considérait le Costus marin, un aphrodisiaque reconnu, comme un puissant médicament : « Les meilleurs de vos remèdes sont la Hijâmah et le Costus marin. » (hadith rapporté par Al Bukhari et Muslim ), deux des exégètes les plus respectés et lus.
Contrairement à ce qu’affirment certains, l’Islam n’a jamais condamné l’usage des aphrodisiaques, sauf ceux qui seraient évidemment nocifs : « Pas de dommage à infliger ni de préjudice à subir. »
D’ailleurs, les ulémas citent d’ailleurs des aliments aphrodisiaques ou autres stimulants sexuels dans leurs ouvrages. Le Coran et les Hadiths estiment en effet le devoir sexuel comme un acte sacré et obligatoire. C’est probablement la raison pour laquelle le Prophète considérait le Costus marin, un aphrodisiaque reconnu, comme un puissant médicament : « Les meilleurs de vos remèdes sont la Hijâmah et le Costus marin. » (hadith rapporté par Al Bukhari 5696 et Muslim 1577)

Aphrodisiaques dans la culture arabe

Dans la culture arabe comme dans beaucoup de civilisations, les aphrodisiaques ont été très étudiés : dès le Xème siècle, le pharmacien Maghrébin Ibn al-Jazzar leur consacrait un livre entier, avec le chapitre Ier du livre VI du Viatique « De la défaillance dans le coït et l’impuissance ».
Cinq siècles plus tard, aux alentours de l’an 825 de l’Hégire (la date est discutée), le cheikh Nefzâouî rédigea pour le bey de Tunis Abd al Aziz II une œuvre majeure, La Prairie parfumée où s’ébattent les plaisirs. Condamné à mort, le Cheick Mohammed Nefzaoui fut alors gracié par le souverain tunisien, qui le remercia ainsi d’avoir grâce à cet ouvrage retrouvé goût à l’amour et au plaisir. Ce manuel érotique arabe est l’équivalent du Kamasutra indien : il a pour but d’initier l’homme et la femme aux plaisirs de l’érotisme.
Plusieurs chapitres de La Prairie Parfumée abordent ainsi de manière précise l’usage des aphrodisiaques, notamment dans ses chapitres 13 « De la jouissance », 15 « Des hommes impuissants », 18 « Moyens de grandir les petits totas » ou encore 21 « L’excellence de certains aliments qui facilitent les plaisirs amoureux ». La Prairie parfumée dévoile ainsi les mystères de l’amour en faisant appel aussi bien à la poésie des mots, qu’à la pharmacopée et au savoir de l’époque.

Inventaire des produits aphrodisiaques les plus recommandés

Ces produits sont généralement classés en trois catégories : aliments, médicaments, produits à la fois aliments et médicaments.

Quelques aliments générateurs de sperme

1.

Pois-chiche :

cité dans le « Viatique ».(4). « Le pois-chiche, dit l’auteur, présente les qualités requises pour un bon aphrodisiaque . Il dit encore des pois chiches : « Ils sont générateurs de sperme, même pris seuls, sans adjonction d’autres produits ; ils sont efficaces.
2.

Fève :

La fève est aphrodisiaque, mais l’auteur dit qu’étant « froide », il faut y apporter un « correctif » en lui adjoignant une drogue « chaude » ; il propose l’un des correctifs suivants : poivre, gingenbre, galanga, ou sécacul. La fève ainsi améliorée engendrera un sperme abondant.
3.

Autres aliments aphrodisiaques, cités dans le « Viatique » :

a)-

Aphrodisiaques d’origine végétale : figues, oignons, graines de pithents …

Certaines familles botaniques sont largement représentées dans la gamme aphrodisiaque : Labiées, Zingibéracées, Lauracées, Orchidées, Crucifères, Conifères, Myrtacées, etc. Il est à noter que de nombreuses drogues prescrites par Ibn al-Jazzar et les autres médecins cités, proviennent de diverses régions du monde, souvent lointaines, telles l’Inde, la Chine, Java et Sumatra ; d’autres viennent du Moyen-Orient ou des pays d’Occident. Leur coût devaient certainement être assez élevé.
b)-

Aphrodisiaques d’origine animale : viandes fraîches, cervelles, jaunes d’ouds, lait de vache, « qu’il faut boire régulièrement ».

1.

Iscancor :

Il s’agit du « Scinque », un reptile saurien, sorte de lézard qu’on trouve notamment en Egypte
2-

Le musc

est, rappelons-le, la sécrétion d’un chevrotain, Mammifère ruminant du Thibet et autres régions d’Asie. Cette sécrétion très odorante est « chaude du 2e degré », dit Ibn al-Jazzar ; elle est aphrodisiaque : « Si on prend un peu de musc, dit-il, qu’on le mélange avec de l’huile de giroflée jaune, puis qu’on en enduise ensuite le gland de la verge, ce produit provoque une éjaculation abondante et un coït prolongé ». Le musc était inconnu des Anciens Dioscoride et Galien (5) ne l’ont pas mentionné. Ce sont les Arabes qui, les premiers, l’ont introduit dans la pharmacopée. Il est cité par le Prophète Mohamed, qui le conseille comme médicament.

3-

Le satyrion

Quelle que soit la comparaison, tout le monde est d’accord qu’il évoque les testicules, organes de la virilité. Ceci expliquerait peut-être le recours à cette drogue. Son odeur est également évocatrice : odeur de sperme pour les uns, de bouc pour les autres. Pour Ibn al-Jazzar, le satyrion est un aphrodisiaque puissant.
Ibn al-Jazzar dit : « il suffit de tenir à la main la racine de satyrion pour provoquer le désir sexuel. Avicenne reprend cette vertu d’aphrodisiaque puissant dans le « Canon » (Vol. I, p. 454) et ajoute une curieuse propriété, comparant pudiquement le satyrion à « deux olives superposées », il dit : « si l’homme consomme la grosse olive, il engendrera des garçons ; si la petite olive est mangée par la femme, elle donnera naissance à des filles ».
4-

Gingembre :

il est digestif et aphrodisiaque ; il entre dans de nombreux confits… Il est excellent pour le coït… Le rob de gingembre engendre un sperme abondant et fait durer le plaisir ». En cas de pénurie, le gingembre provenant de l’Inde et autres contrées lointaines, Ibn al Jazzâr dit : « on peut lui substituer le poivre blanc ou le poivre noir ».
5-

Galanga :

 Cette drogue est largement conseillée par la plupart des médecins d’époque. » Le galanga active le sperme et le rend abondant… Si l’on garde dans la bouche de la racine de galanga (rhizome), il provoque une érection durable » ( Viatique ). Il semble qu’il s’agisse d’une réaction instantanée. Avicenne, qui a également longuement parlé du galanga, propose pour les contrées où on en trouve pas, de le remplacer par « l’équivalent de son poids de cannelle giroflée », donc par une autre drogue « chaude ». Le Rhizome de galanga a été réinscrit à la Pharmacopée française en 1 975.

Aphrodisiaques conseillés en usage externe

Il s’agit de médicaments utilisés en application locale sur les organes génitaux.
l- Oindre la verge et les testicules avec l’une des huiles suivantes. Huile de giroflée jaune or. Huile de semences de courge. Huile de sésame. Huile de nénuphar ou d’autres huiles d’activité similaire.
2- Il s’agit d’une préparation originale : prendre des fourmis noires ailées, vivantes, les mettre dans une bouteille, puis y déverser de l’huile d’iris. Exposer la bouteille au soleil pendant cinq jours, filtrer. Mode d’emploi : oindre avec l’huile obtenue le sexe de la femme, ainsi que la verge ; l’érection se déclenche. En effet, les médecins arabo-musulmans ont prescrit des aphrodisiaques à employer en application locale chez la femme et qui sont, en fait, des « massages clitoridiens » provoquant le désir sexuel.

Ibn al-Jazzâr termine son ouvrage par des conseils qui sont de nature à favoriser le désir et augmenter l’activité sexuelle. Ces facteurs sont, d’après l’auteur :
a) d’ordre psychologique :
l’homme doit se débarrasser de ses soucis, de ses chagrins, qui sont des inhibiteurs sexuels ;
b) d’ordre physique :
il conseille une préparation préliminaire à l’acte, afin de provoquer le désir par le couple. La femme doit « se faire belle », dit-il. Il évoque le flirt, tel qu’il est pratiqué en ces temps modernes. Il est clair que l’épouse ne doit pas être négligée, et qu’elle doit participer activement aux plaisirs de l’amour. Cependant, et curieusement, il n’y a pas ou peu dans les ouvrages consacrés aux aphrodisiaques de produits destinées spécifiquement aux femmes féminins.

Notes :

(1) Abdelouahab Bouhdiba, La sexualité en Islam
(2) Sourate « La génisse ». II. 183-187. – Traduction R. Blachère.
(3) Ibn al-Jazzar, médecin et pharmacien maghrébin, a vécu à Kairouan (Tunisie) au Xe siècle (898-980). Il est considéré comme le « père de la pharmacie arabe ». Il est l’un des premiers à avoir séparé l’acte médical de l’acte pharmaceutique, tout en maintenant leur complémentarité.
(4) Ibn al Jazzâr, Le Viatique : Le viatique le livre VI des maladies des organes génitaux
Édition : Tunis : R. Jazi et J. Cheikha , 1999
Kazimirski, dans son dictionnaire arabe-français, a bien donné le nom d’Iscancor à ce reptile (t. I, p. 1960)
(5) Dioscoride et Galien :

Bibliographie indicative :

La sexualité en Islam
Par Abdelwahab Bouhdiba
Éditeur : Presses Universitaires de France 2010
Malek Chebel, Dictionnaire amoureux des 1001 Nuits. Plon
Le Kama-Soutra arabe . Pauvert
Mohamed Abou Tourab Sexualité Mode D’emploi Islamique
La Maison de la Sagesse 2012
Le Jardin parfumé : manuel d’érotologie arabe du Cheick Nefzaoui / trad. par le baron R*** et présenté par Mohamed Lasly.- Arles : P. Picquier, 2002
Le bréviaire arabe de l’amour / Ibn Kamal Pacha, Ahmad ibn Souleiman (1468?-1534) ; traduit de l’arabe et présenté par Mohamed Lasly .- Arles : Picquier, 2002.-
Copuler est ma loi : un érotisme arabe islamique / textes recueillis par Bassam A. Saad.- La Tourd’Aigues : Ed. de l’Aube
Les Lois secrètes de l’amour en Islam / Omar Haleby et Paul de Régla ; Introd. de Malek Chebel.- Paris : Balland, 1993.