Les IST au Maghreb (Maroc, Tunisie, Algérie) : où en est-on ?

L’arrivée du SIDA dans les années 1980 avait brutalement remis le focus sur les maladies vénériennes, ou maladies sexuellement transmissibles.
Les mesures de prévention en découlant, avec notamment le port du préservatif, ont alors permis de ralentir l’épidémie, et par la même l’ensemble des IST ou infection sexuellement transmissible. Si les pays d’Afrique subsaharienne ont beaucoup souffert de l’épidémie de HIV, les pays du Maghreb avaient alors réussi à contenir assez bien l’épidémie. Mais depuis une dizaine d’années, ils sont confrontés comme tous les pays au monde à une reprise des maladies sexuellement transmissibles, cette recrudescence étant liée en partie à un relâchement de la protection au cours des rapports sexuels.

Où en est-on des MST au Maroc, en Tunisie et en Algérie ?

Quelques généralités : c’est quoi les IST ?

On désigne sous le terme d’IST ou MST (Maladie sexuellement transmissible) l’ensemble des maladies infectieuses dont la contamination va se faire au moment des rapports sexuels, sans que cela soit forcément le simple mode de transmission. On les surnommait autrefois maladies vénériennes, du nom de vénus la déesse de l’Amour.
Une IST se transmet donc essentiellement par contact cutanéo-muqueux au cours d’un rapport sexuel, qu’il soit vaginal, anal ou oral.
Des IST telles que la chlamydiose, la gonorrhée, l’hépatite B, le VIH ou la syphilis, se transmettent aussi au cours de la grossesse de la mère vers l’enfant, ou parfois par voie sanguine (transfusion, échange de seringues contaminées…).

Quelles sont les principales IST ?

Ce sont des maladies transmissibles : il y a donc toujours un micro-organisme responsable de la maladie, qui va se transmettre entre deux individus.

Les maladies vénériennes bactériennes

Les IST bactériennes sont les plus anciennement connues :
-la syphilis est due à Treponema pallidum. C’est la fameuse vérole, caractérisée dans sa forme la plus classique par le développement de chancres ou d’ulcères.
-la blennorragie ou gonorrhée est causée par Neisseria gonorrhoeae  ; on la surnommait autrefois chaude-pisse à cause des brulures associées à la miction.
-la chlamydiose à Chlamydiae trachomatis. C’est une infection très fréquente, puisqu’on estime qu’elle peut atteindre 4 % des jeunes ayant une activité sexuelle.
-le chancre mou est dû au bacille de Ducrey (Haemophilus ducreyi), fréquente chez les prostituées dans les pays chauds ou tropicaux.
-la mycoplasmose à Mycoplasma genitalium. C’est une IST de découverte assez récente, touchant aussi bien la femme que l’homme.
Pour la plupart de ces IST bactériennes existent des traitements antibiotiques, plus ou moins efficaces.

Les IST virales

Les maladies vénériennes les plus graves sont le plus souvent virales :
-le VIH est responsable du syndrome d’immunodéficience acquise (AIDS ou SIDA) ;
-le papillomavirus humain (VPH) peut occasionner des condylomes (verrues génitales),; ou des formes bien plus graves comme le cancer du col de l’utérus.
Il existe un vaccin (commercialisé 400 dirhams au Maroc),
mais son usage reste encore très peu développé, aussi bien au Maghreb que dans certains pays européens.
-le VBH donne l’hépatite B. Cette hépatite virale tient sa gravité du fait qu’elle évolue facilement en cirrhose ou un cancer du foie. Il existe un vaccin.
-l’herpès génital

Les MST parasitaires

Il existe enfin quelques maladies vénériennes parasitaires, souvent moins graves :
-la trichomoniase, liée aux Trichomonas.
-les parasites externes comme les poux pubiens (phtiriase) appelés encore « morpions », ou la gale.

Selon les germes responsables, les risques de transmission diffèrent selon les pratiques sexuelles (fellation, cunnilingus, coït vaginal, coït anal ou sodomie…) et le sexe (homme/femme).

Quelle est l’importance des MST dans le monde ?

Les infections sexuellement transmissibles constituent un vrai enjeu de santé publique, surtout qu’elles peuvent être asymptomatiques et se transmettre alors encore plus facilement. Selon les chiffres de l’OMS,

plus d’un million de personnes contractent quotidiennement une IST dans le monde, plus de 500 millions de personnes sont atteintes du virus de l’herpès génital, 290 millions de femmes souffrent d’une infection à papillomavirus humain (HSV2), 900 000 femmes enceintes ont été infectées par la syphilis en 2012 (formes graves dans 1/3 des cas). 357 millions de personnes contractent chaque année l’une des quatre IST suivantes : chlamydiose, gonorrhée, syphilis ou trichomoniase. Les 4 autres infections virales les plus fréquentes sont ensuite l’hépatite B, le virus de l’herpès (herpes virus simplex ou HSV), le VIH, et le papillomavirus humain (VPH).
Ces quelques chiffres montrent l’importance du problème mondial, avec des complications parfois gravissimes (stérilité, grosses extra-utérine, mort…) et une tendance haussière pratiquement sur tous les continents.

Le fléau des IST en Afrique

L’Afrique est sans conteste le continent ayant le plus haut taux d’IST dans le monde, le VIH étant un enjeu sanitaire dans de nombreux pays. On estime par exemple qu’en Afrique subsaharienne, la prévalence de la syphilis chez les femmes enceintes est comprise entre 4 et 15 %.
Les difficultés de diagnostic, les particularités culturelles, l’insuffisance de dépistage expliquent en grande partie ces mauvais chiffres.
Chaque pays a ses spécificités, comme le HIV 2 fois plus fréquent chez les femmes que chez les hommes en Afrique du Sud, mais dans tous les cas, les spécialistes déplorent le manque d’éducation sexuelle et de connaissances des populations à risques.

Globalement, le Maghreb a des chiffres bien meilleurs que le reste du continent africain. Mais le caractère souvent « honteux » de ces IST fait qu’elles sont sous-diagnostiquées, avec un vrai tabou sur le sujet.
La gravité liée au SIDA a obligé ces dernières années à plus de transparence, dans le cadre notamment de programmes de prévention nationaux et internationaux. Si ces études épidémiologiques sont encore trop peu systématisées à grande échelle, elles permettent toutefois de dresser un tableau différent des situations, avec une vraie disparité des MST en Afrique du Nord entre les trois pays maghrébins : le Maroc, la Tunisie et l’Algérie.

Maroc et VIH, une politique ambitieuse et efficace

Le VIH reste encore l’IST au Maroc la plus suivie, de par sa gravité, d’autant que l’ONU apporte son aide régulière pour la mise en place de politiques de prévention et de dépistage. Cette surveillance et ce suivi incluent les autres MST, car elles favorisent très souvent la transmission du VIH. La syphilis ou l’infection à gonocoque par exemple participent activement à la propagation de l’épidémie.

Un état des lieux mitigé

Malgré des traitements efficaces contre les maladies sexuelles, malgré une utilisation du préservatif qui se banalise fortement, les Infections Sexuellement Transmissibles (IST) sont en pleine recrudescence au Maroc où l’on compte chaque année 600.000 nouveaux cas. En 2015, 440.000 Marocains étaient atteints par les MST, dont 70% de femmes.

Dans le détail, 27 % des cas féminins dépistés souffrent d’une inflammation du col de l’utérus, 16 % d’infection des voies urinaires, 28% d’inflammations au niveau des organes génitaux et 5% sont des cas de papillomavirus (HPV) qui se transmettent habituellement par contact direct de peau à peau. A l’évidence, ces chiffres sont à revoir à la hausse, car un grand nombre d’IST ne sont pas notifiées.
En outre nombreux sont les malades qui optent pour l’automédication, ce qui complique souvent ces maladies, tout en les faisant sortir du radar et des chiffres du système de santé.
L’association IST zéro  avançait ainsi le chiffre de 600.000 nouveaux cas d’IST chaque année. C’est dire l’ampleur du problème des infections sexuellement transmissibles.

Certains spécialistes, comme le Dr Mounir Bachouchi  de Rabat, estiment qu’un marocain sur deux aurait eu ainsi un contact avec le papillomavirus. Alors que le vaccin existe mais est peu prescrit, il estime que le nombre de cas va doubler dans la région MENA d’ici 20 ans. Il y voit un télescopage entre d’une part une libéralisation des mœurs, confrontée en face au tabou persistant des relations hors mariage, à quoi il faut rajouter l’absence d’éducation sexuelle suffisante et le manque de protection.
Alors il est vrai que le plus souvent, les signes sont bénins, avec de simples verrues ou condylomes. Mais dans les formes les plus graves, cette maladie vénérienne peut donner chez la femme un cancer du col de l’utérus : ce spécialiste marocain estime ainsi qu’il y aura 16 000 décès de ce cancer en 2040 pour la région MENA.
Et le Maroc paiera un lourd tribu à ces MST en recrudescence.

Le VIH au Maroc

Au Maroc, les taux importants d’analphabétisme et de pauvreté ont constitué une des causes majeures de l’augmentation de l’incidence du HIV les premières années de l’épidémie : le premier cas de HIV a été enregistré en 1986 et jusqu’en 2004, une augmentation régulière des cas d’infection au VIH et aux IST a été nette. En matière de lutte contre le SIDA, les autorités sanitaires marocaines ont ensuite déployé de grands efforts, avec des résultats probants, valant au Maroc d’être cité comme la meilleure pratique sur les régions du Moyen Orient et de l’Afrique du Nord (MENA). On estime que la prévalence du VIH est faible, à environ 0,15 % de la population totale. Toutefois, certains experts ne partagent pas cet optimisme, car des données récentes font état d’une augmentation et d’une progression marquée du virus VIH chez les populations les plus exposées dans le pays.

Des chiffres marocains rassurants

Fin 2017, on estime à environ 20 000 le nombre des personnes vivant avec le VIH au Maroc dont 60 % d’hommes et moins de 1000 enfants de moins de 15 ans.
Entre 2004 et 2017, le nombre de nouveau cas a baissé de 34%, la couverture du traitement avec les rétroviraux est passée de 16 % en 2010 à 58%, tandis que le nombre de décès s’est effondré de 30 % (480 en 2017).
Le nombre total de cas de sida déclarés de 1986 et 2017 se monte ainsi à 14000, affectant principalement les 15 / 45 ans, avec une infection sexuelle à 90%.
Environ 2/3 des nouvelles infections se passent parmi les populations clés et leurs partenaires, la majorité des femmes infectées (70,7%) le seraient par l’intermédiaire de leur conjoint. En réalité, ces bons chiffres cachent une réalité plus complexe.

Une répartition du HIV au Maroc disparate

En ciblant des populations à risques, la prévalence en effet explose : 5,1 % dans la communauté homosexuelle masculine, 5 % sur une étude chez les professionnels du sexe à Agadir, et jusqu’à 20 % de séropositifs sur les consommateurs de drogue injectable dans la ville de Nador.
Le souci vient que les populations les plus atteintes (travailleurs du sexe, homosexuels, drogués…) sont souvent stigmatisées, les poussant à rester cachées et à éviter tout dépistage. Des prévalences élevées ont aussi été observées chez les détenus (0,5 à 1%), chez les ouvrières saisonnières (0,4 à 1%) et chez les migrants (5 %).
Actuellement, le HIV au Maroc se concentre sur 3 régions qui regroupent près de 2/3 des cas, la plupart en milieu urbain : 25% dans la région de Souss-Massa, 21% autour de Marrakech-Safi et enfin 20% autour de Casablanca.

Une riposte, le Plan Stratégique National PSN 2017-2021

Le Maroc s’est lancé ces dernières années dans plusieurs plans stratégiques pour mieux lutter contre le VIH et les IST, le plan actuel allant jusqu’en 2021.

Il cherche à cibler les populations les plus exposées au risque, en lien avec de nombreuses ONG nationales ou internationales.
Cette prévention passe par la prévention chez les populations clés, le conseil et le dépistage sanguin sérologique, ce dernier étant anonyme pour qui le souhaite.
Cette politique a récemment été intégrée au RAMED, le Régime d’assistance médicale des économiquement démunis.
Le plan vise à échéance 2021 une baisse de 75 % des nouvelles infections et de 60 % de la mortalité.

Cette volonté politique ne doit pourtant pas cacher les difficultés sur le terrain, car les sexualités au Maroc sont sous l’emprise d’institutions sociales et de pressions culturelles.
Des interdits à la fois familiaux, juridiques et religieux déterminent une forme de morale ou de normalité, faisant que la déclaration d’une IST reste encore trop souvent un tabou sociétal.

De plus, alors qu’une maladie comme la syphilis connaît une recrudescence mondiale, les statistiques  au Maroc ne sont pas divulguées, comme si la priorité était donnée au HIV au détriment des autres IST considérées, parfois à tort, comme moins graves.
Avec le développement de l’antibio-résistance, certaines maladies vénériennes bactériennes deviennent en effet de plus en plus difficiles à traiter, avec des séquelles graves comme la stérilité.

Pour en savoir plus

Toutes les données fournies par ONUSIDA sur le Maroc

Situation épidémiologique du SIDA au Maroc

Comportement des lycéens de la ville de Fès face aux IST et au SIDA

Plan Stratégique National 2018-2021 contre le VIH et le respect des droits humains
IST et papillomavirus dans la région de Marrakech :

Santé sexuelle au Maroc

Mode de transmission du VIH au Maroc.

Tunisie et IST : le bon élève ?

En matière l’IST, la Tunisie fait office de bon élève, avec des chiffres corrects (pour autant qu’ils soient exhaustifs) et une politique de prévention volontariste.

Un encadrement réglementaire, les maladies transmissibles

La Tunisie a inscrit les Maladies Transmissibles, dont les IST, dans la loi, depuis 1992. La loi n° 92-71  du 27 juillet 1992 détermine ainsi la liste officielle des MT, les modalités d’intervention étatiques en matière de prévention et les modalités de prise en charge.

C’est dans ce cadre que le Programme National de Santé Sexuelle et reproductive (PNSSR), géré par l’Office National de la Famille et de la Population, a développé un Programme National de Lutte contre le SIDA et les IST (PNLS/IST), géré en partenariat avec la Direction des Soins de Santé de Base.

Sur le terrain, des ONG relaient la parole publique, avec par exemple « La Caravane de la Vie » organisée par l’Association Tunisienne de Lutte contre les MST/SIDA de Sfax.

Le cadre réglementaire est très axé sur la lutte contre les IST /VIH, dans une démarche de Santé Sexuelle et Reproductive (SSR) : ce programme offre notamment une gratuité de la prise en charge, accorde l’accès aux soins SSR dès 18 ans, assure la prévention des IST et propose un soutien psychologique pour les porteurs du VIH.

L’une des particularités de la Tunisie est d’avoir ciblé très tôt les jeunes Tunisiens, au lycée, à l’armée ou à la faculté, en renforçant l’éducation.
C’est une démarche qui a été plus facile à une époque où un vent de libéralisation soufflait sur le pays, avec l’émancipation sexuelle des femmes et une certaine liberté sexuelle toute relative.

Le comportement des étudiants tunisiens en matière d’IST

En matière de sexualité, l’âge médian du premier rapport sexuel est de 17 ans. Entre 15 et 24 ans, 52,5% des garçons et 13,5% des filles avaient déjà des rapports sexuels8. Ce relatif jeune âge s’accompagne malheureusement d’une faible connaissance des MST, se traduisant par le port du préservatif chez moins de 40 %. Et un chiffre suffit à l’expliquer : 87% des 14/19 ans disent ne pas avoir reçu d’éducation sexuelle. Cela va-t-il mieux quand ils prennent de l’âge ?

Une étude  réalisée sur 240 étudiants de 3ème cycle (19-29 ans) a prouvé que les jeunes étudiants manquent d’informations sur les IST. Ces méconnaissances portent par exemple sur 72 % des filles et 59 % des garçons qui ignorent la syphilis. Pour la blennorragie, la maladie est inconnue chez 85 % des filles et 80 % des garçons.
Quand on sait que les gonococcies s’accompagnent fréquemment chez l’homme comme chez la femme d’infections ascendantes, avec risque de stérilité, on comprend tout l’enjeu en matière de santé publique.
Car si les étudiants connaissent la gravité des MST, la plupart ignorent ces risques, et s’amusent d’images parfois amusantes, comme la « chaude pisse » qui parle paradoxalement à tous et à toutes.
C’est là finalement tout le décalage entre un programme politique ambitieux, et les réalités du terrain.

Le VIH en Tunisie

La politique de lutte contre le Sida en Tunisie a été renforcée en proposant un test volontaire du VIH lors de l’examen prénuptial, plusieurs visites périnatales, la prise en charge complète des patients présentant une IST et leurs partenaires, ainsi que l’offre de préservatifs.
Une stratégie de PTME (Prévention de la transmission de la mère à l’enfant du VIH) a aussi été mise en place, en ciblant les jeunes femmes et les populations à risques.

Entre le premier cas d’infection au VIH, en décembre 1985, jusqu’à la fin de 2010, la Tunisie avait enregistré officiellement 1 633 cas dont 878 au stade sida, ayant abouti à 513 décès. Selon les estimations de l’ONUSIDA, la prévalence estimée du HIV serait inférieure à 0,1%, les hommes demeurant plus touchés que les femmes avec un sexe ratio de 2,84.
Ces infections au VIH affectent davantage les jeunes (58 % de la population séro-positive a entre 20 et 39 ans) et ¾ des cas environ sont recensés dans le District de Tunis (Tunis, Ariana, Manouba, Ben Arous) et le Centre-Est de la Tunisie (Sousse, Monastir, Mahdia, Sfax).

Les études menées de 1985 à 2010 ont montré que la transmission sexuelle chez les hommes est principalement hétérosexuelle (27,1% de transmission hétérosexuelle et 6,6% de transmission par rapports sexuels entre hommes), mais qu’elle est inférieure à la transmission par usage de drogues. Chez la femme en revanche, la transmission se fait essentiellement par voie sexuelle (68,8%).

Les rapports d’activité  sur la lutte anti HIV/IST montrent que la tendance se fait en tout cas vers une épidémie de plus en plus concentrée, à la fois géographiquement et démographiquement, avec des taux de prévalence souvent supérieurs à 5 %, et un nombre croissant de nouvelles infections chez les populations cibles (MARPS), en particulier les homosexuels masculins ou les hommes usagers de drogues injectables.
Entre 2010 et 2017, le nombre annuel d’infections au Maroc a diminué de 42%, alors qu’il augmentait de presque 50% en Tunisie. Ce qui prouve que la Tunisie n’est plus le bon élève qu’elle a été, et que le pire reste peut être à venir…

Pour en savoir plus

Sur le programme de prévention des IST chez les adolescents tunisiens.

Sur l’épidémie de HIV en Tunisie.

Sur le PSN de lutte contre les IST et le SIDA

Sur l’Association Tunisienne de Lutte (ATL) Contre les MST et le Sida

L’Algérie et les MST, le poids d’un lourd passé ?

Le système de santé algérien a beau être classé quatrième en Afrique en 2019, derrière la Tunisie mais avant le Maroc selon le Bloomberg healthiest country index, les IST sont en augmentation, surtout après l’explosion épidémique du SIDA, elle-aussi assez localisée géographiquement et démographiquement.

Des données sur les IST difficiles à récupérer

Conformément au règlement sanitaire international (adopté en 1969 et modifié en 1973 et en 1983), l’Algérie a inscrit dans un arrêté ministériel du 17 novembre 1990 plusieurs MST dans le cadre des maladies à déclaration obligatoire. C’est le cas notamment du HIV, de la syphilis ou de l’urétrite gonococcique.

Parmi les IST les plus fréquentes  en Algérie, on retrouve aujourd’hui essentiellement le gonocoque, suivi de la chlamydiose à Chlamydia Trachomatis. C’est une tendance qu’on retrouve un peu partout dans le monde.

Pour la syphilis, les données de séro-prévalence (prise de sang pour mesurer les anticorps sanguins) laissent penser que l’Algérie connaît probablement une recrudescence de l’épidémie concentrée à certaines régions géographiques et à certains groupes de populations là risques.

Les études ont porté sur les 5 régions sanitaires du pays représentant au total 14 sites et 11 wilayas : région Centre (Alger, Bejaia, Tizi-Ouzou), région Sud-Est (Tamanrasset), région Est (Skikda, Sétif)), région Ouest (Oran, Saida, Sidi Bel Abbes, Tiaret) et région Sud-Ouest (Adrar).
Sur les patients présentant une sérologie positive, l’âge moyen était de 54,56 ans, avec des extrêmes d’âge de 16 ans à 86 ans. La répartition se fait de manière pratiquement égale entre les femmes algériennes (49,2 %) et les hommes (50,8%).
Toutefois, les jeunes femmes entre 30 ans et 40 ans sont sur-représentées avec un taux de 17,39% contre 4,35% chez les hommes du même âge.

S’il n’existe pas d’étude globale permettant de déterminer la prévalence des MST en Algérie, des études ciblées ont montré par exemple une fréquence de 0,8‰ des urétrites gonococciques sur Alger et Constantine, mais le triple à Tamanrasset en milieu militaire.
Des pathologies jusque-là inexistantes, comme le chancre mou ou
Chancrelle, s’installent à l’état endémique, surtout à l’Ouest de l’Algérie et dans le Sud, favorisées notamment par la prostitution.
Dès 2004 et 2007, les enquêtes du système de surveillance sentinelle signalaient déjà une recrudescence de la syphilis.

Plus récemment en 2016, une étude menée au CHU Tlemcen montrait que la syphilis vénérienne représente 2,3% des cas (sérologie) avec plus de femmes et de patients entre 30 et 40 ans. La conclusion était donc que les chiffres officiels étaient probablement sous-estimés.

Le poids du passé ?

Pour certains spécialistes, les différences culturelles rencontrées en Algérie et plus largement au Maghreb dépassent la barrière religieuse et sociale, pouvant s’inscrire en partie dans un passé colonial.
Il est clair que la colonisation française a contribué au développement de la prostitution et de sexualités marginales, particulièrement bien étudiées par l’historiographe Christelle Taraud. Cette « collaboration » et cette « soumission » s’accompagnait comme partout de son lot de maladies vénériennes comme la blennorragie ou la syphilis, les ancrant comme des maladies encore plus honteuses dans l’inconscient collectif une fois la décolonisation arrivée.
La maladie vénérienne était aussi celle amenée par le colonisateur (ce qui est en partie faux), rendant sa déclaration encore plus difficile.
Cet inconscient collectif et ce tabou semblent aujourd’hui encore persister, et profondément ancrés.

Quelle est la situation du SIDA en Algérie ?

Comme les autres pays de la région, l’Algérie s’est doté d’un Plan National Stratégique qui couvre les IST et le SIDA entre 2016 et 2020.

Les dernières données fournies par ONUSIDA  sur l’Algérie donnaient l’image d’un pays avec une épidémie de Sida peu active dans la population générale, avec une prévalence du virus inférieure à 0,1% cohabitant avec une séro-prévalence élevée chez les populations à risque, souvent supérieure à 4 % : 5,2% chez les travailleuses du sexe et 4,3% chez les homosexuels masculins ou les consommateurs de drogues injectables.

En 2014, près de 9000 personnes seraient atteintes du SIDA, avec moins de 1000 nouvelles contaminations annuelles. Mais selon AIDS Algérie, ce serait en réalité 24.000 personnes  qui vivent avec le VIH sans le savoir, et le transmettent éventuellement avec des rapports sexuels non protégés.

En réalité, différentes études très localisées, et donc par forcément représentatives, montrent effectivement un vrai décalage entre les chiffres officiels et le terrain. Ainsi, un centre de dépistage du wilaya d’Alger aboutissait à une séro-prévalence  de 3,04 % pour le VHB, de 1,74 % pour la syphilis et de 2,58 % pour le VIH, alors que la séro-prévalence national du VIH était elle annoncée à 0,1%… donc 25 fois moins ! La vérité se situe probablement entre ces deux chiffres, reste à savoir lequel en est le plus proche ?
Car plus les IST au Maghreb restent cachées, plus leur risque est élevé à l’échelle d’une population.

Pour en savoir plus

Sur la sexualité atypique au Maghreb

Sur la prévalence de la Syphilis dans la région de Tlemcen

Sur les chiffres officiels du HIV en Algérie

Sur le Plan national Stratégique (PNS)  de la République algérienne démocratique et populaire, pour la lutte contre les MST / IST et le HIV/SIDA.

Comportement sexuel des jeunes étudiants algériens vis-à-vis du HIV