Algériennes et amour : Comment vivent-elles leur sexualité ?

L’Algérie se fraie encore un chemin vers les droits et la liberté de la femme et de l’enfant.  La femme algérienne est accablée par des restrictions imposées par les valeurs traditionnelles et une législation à nature religieuse.
Dans ce beau pays méditerranéen, les amours se vivent en cachette, la sexualité est un sujet tabou et la femme se marie encore sous tutelle.
Les conditions de la femme dans les sociétés maghrébines et algériennes ne sont pas à envier.
Les filles sont scolarisées, il y a plus de gent féminine que masculine dans les universités, et la femme a accédé à des hauts postes et fonctions gouvernementales. Elle est active au sein de la société civile et vie politique. Derrière cette façade de femme émancipée, l’amour dans la société algérienne est une mi-prison et un mi-épanouissement. L’Algérie a ratifié un arsenal de conventions nationales et internationales afin de lutter contre toute forme de discrimination à l’égard de la femme et de l’enfant et appliquer l’égalité des sexes. Et pourtant, dans le classement mondial d’égalité des sexes, l’Algérie ne figure pas dans le top 100.
Les amours dans la société algérienne sont régis par une bataille entre les mouvements féministes, les courants conservateurs, les forces rétrogrades et un Code de la famille qui fait de la femme une mi-citoyenne.

La jeunesse algérienne, entre l’aspiré et la réalité

Les derniers chiffres qui parviennent du gouvernement algérien sont rassurants, 65.6 % des diplômés universitaires sont des filles. Un taux important auquel s’ajoute un autre chiffre significatif; 52.5 % de ces diplômées  poursuivent des études doctorales. En parcourant plusieurs villes algériennes, on remarque que ces filles bien que très instruites, , la majorité portent le voile. Plusieurs sondages et études sur terrains ont démontré que la fille algérienne porte le voile par habitude ou par obligation familiale. Les unes préfèrent le garder par conviction religieuse, d’autres aimeraient bien s’en débarrasser pour se sentir libres. Les jeunes algériennes, très ambitieuses, ouvertes sur d’autres cultures, affrontent la ségrégation sexiste même sur le plan vestimentaire, une réalité de tous les jours.

Sorties et loisirs

Autant il est facile d’aimer en Algérie, il est difficile d’afficher sa relation amoureuse. Si la société et les valeurs traditionnelles ont tout permis à l’homme, ils ont érigé des murs d’interdits autour de la femme. Les amoureux doivent cacher leur relation. Même pour rencontrer son âme sœur, la fille opte pour des lieux où elle ne croise pas un membre de la famille. Entre plages, cafés, restaurants, jardins publics, les rencontres amoureuses sont limitées par le temps et l’espace. D’abord pour sortir de la maison, la jeune fille doit négocier et trouver un prétexte convaincant pour les parents. Elle est obligée souvent de mentir et d’inventer des histoires pour aller voir l’élu de son cœur. Pour faire du shopping, elle doit être accompagnée par un membre de la famille, de préférence de la gent masculine pour des raisons soi-disant sécuritaires.  Il est difficile presque impossible de sortir le soir. Une société misogyne trouve normal que les hommes veillent en boite de nuit alors que c’est encore mal vu pour la fille. Tiraillée entre liberté, traditions et coutumes, la fille algérienne ne baisse pas les bras. Elle essaie de s’imposer et d’affirmer son droit à vivre ses relations amoureuses en public. En couple et loin de la surveillance familiale, elle  participe à des excursions, fait des activités sportives et  part en randonnée. Elle fait de son possible pour assouvir ses plaisirs en toute discrétion et satisfaire les exigences archaïques de la société. Ça reste toujours difficile, la femme algérienne se bat encore pour sa liberté avec l’espoir que les mentalités changent.

Les algériennes et les réseaux sociaux

L’internet et les réseaux sociaux restent une échappatoire pour les algériennes pour nouer des relations et communiquer avec leurs copains. La société a mis des limites pour la vie amoureuse et sexuelle de la femme, le web reste leur univers de rencontres. Bien que parfois, ces relations stagnent au stade du virtuel. Sites de rencontres, sites de mariage, sites érotiques…des refuges qui donnent satisfaction aux femmes comme aux hommes dans une enceinte d’interdits.
D’après les statistiques de 2020, le réseau social favori en Algérie est Facebook. Ils sont plus de 24.000 000 d’algériens à utiliser cette plateforme ce qui représente 55 % de la population dont 38 % sont de la gent féminine. La majorité de ces utilisateurs sont  des jeunes avec une tranche d’âge comprise entre 18 et 34 ans. Les centres d’intérêts  sont en grande partie, répartis entre loisirs, divertissements, shopping, mode, famille
et relations.
Même si l’audience sur les autres réseaux sociaux est bien faible par rapport à Facebook, les statistiques ont démontré que 60 % des utilisateurs algériens de Snapchat sont des femmes. Pour Instagram, elles représentent 44 % des utilisateurs et 30 % aussi bien pour LinkedIn que Twitter.

Le sport féminin en Algérie

Les femmes sportives sont issues généralement de la capitale et des grandes villes. Les opportunités et l’infrastructure sportive sont favorables: stades, salle de sport, club …et surtout les mentalités sont moins traditionnelles. Les parents sont émancipés et permettent à leurs filles de pratiquer des activités dites masculines. Les cadres et directeurs techniques en sport sont pratiquement tous des hommes. Seulement 12 % des diplômés de l’Institut Supérieur de la Technologie du sport sont des femmes.
Difficilement, la femme algérienne a su décrocher des palmarès et des médailles
à l’échelle internationale, défiant tous les obstacles. La femme algérienne touche à toutes les disciplines sportives ; hand-ball, foot, basket, volley,  natation, athlétisme, escrime, sport de combat… Elle est même en tête des palmarès nationaux  en karaté et arts martiaux. Quelques médailles lors de jeux olympiques et surtout dans des
sports considérés ‘’virils’’, le sport au féminin en Algérie mérite d’être encouragé et valorisé. Fini l’image de la fillette qui joue à la maman, l’adolescente qui apprend les tâches ménagères pour assumer son foyer et satisfaire son mari. La fille algérienne s’impose en sports d’équipe ou individuels et hausse le drapeau national en dépit du sexisme et des traditions.

 Amour, célibat et couples en Algérie

Comme dans tous les pays arabo-musulmans, très tôt, on apprend à la fille la servitude familiale et la soumission au sexe masculin. Sa responsabilité de l’honneur de la famille, son rôle d’épouse et de mère sont une destinée, des normes sociales.  La jeunesse féminine algérienne vit un dilemme. Elle tend vers l’émancipation et traîne un lourd fardeau de traditions. Les mentalités évoluent doucement dans un monde brutal de discrimination et des lois qui considèrent toujours la femme comme mineure. Et pourtant le contexte socio-économique et culturel a permis aux femmes de retarder leur mariage de profiter un peu de leur jeunesse. Depuis quelques années, l’Algérie observe une décroissance importante des taux de mariage. Rien qu’entre 2018 et 2019, l’effectif des mariages a baissé de 5 %.

Age au premier mariage, une transformation spectaculaire

L’Algérie au cours des ces derniers 40 ans est passée du mariage précoce banalisé à une hausse remarquable de l’âge de la primo-nuptialité. Beaucoup de facteurs socio-économiques et culturels interviennent. Pour la femme, l’expansion de l’instruction est le facteur décisif.
Avant l’âge minimum légal pour une fille pour se marier était 18 ans, et 21 ans pour l’homme. Avec les nouvelles réformes en 2005, l’âge est fixé à 19 ans pour les deux conjoints. Aujourd’hui l’âge moyen pour une femme pour se marier est 29.6 ans et pour l’homme 33 ans. Un saut de presque 12 ans pour la femme, compte tenu de l’ancien Code de la famille dans sa version  de 1984.
Cette importante hausse de l’âge au premier mariage a touché toutes les zones et métropoles du pays. Bien qu’une légère variante persiste toujours, il y a plus de mariages précoces au sud où les traditions sont sacrées que le nord.
Le recul de l’âge de la femme est étroitement lié à sa scolarisation et la prolongation de la durée de ses études. Une instruction qui stimule ses ambitions pour travailler et prospérer dans sa carrière professionnelle avant de se marier. Il va de soit, une femme émancipé va chercher à choisir son conjoint et imposer ses conditions pour son avenir.

Un célibat qui pèse lourd

Autres facteurs qui font prolonger le célibat des algériens: le chômage et la crise du logement. Le chômage est plutôt un handicap pour l’homme pour monter son nouveau foyer. Comme la société est patriarcale, c’est au chef de famille de trouver un logement et d’avoir une rente pour subvenir aux besoins de la famille. Une mentalité indélébile même avec la femme qui est entrée en force dans le marché de l’emploi. Les couples passent des années en liaison ou fiancés faute de logement où se monter leur nid d’amour. L’option de vivre avec les beaux-parents est très répandue.  Mais les jeunes couples préfèrent vivre librement leur passion et leur intimité dans un domicile à eux, induisant un célibat long et inconfortable. Sans oublier que le mariage algérien coûte cher  financièrement, il faut faire une épargne de quelques années.
Dans un pays où les relations sexuelles sont bannies hors mariage et où l’accès au logement est réservé aux couples mariés et aux familles, comment vivent les algériens ce célibat qui prend de l’ampleur ? Les femmes célibataires, divorcées et veuves  sont stigmatisées par la société, il n’est pas commun qu’une femme habite seule. Même les agences immobilières sont strictes sur ce sujet, pas de location pour les femmes célibataires, à l’exception des étudiantes qui se présentent avec leurs familles.  Une des raisons qui laisse les jeunes quitter le pays à la recherche des libertés.

Sexualité, tabous et libertinage, le dilemme algérien

La frontière de la virginité

La virginité et l’honneur de la famille, deux sujets qui hantent l’esprit de jeunes filles algériennes dès la puberté et souvent bien avant. Dès leur jeune âge, on fait croire aux filles que les mœurs et l’honneur sont étroitement liés à l’hymen. Une idée qui trouve origine dans les us et coutumes ; la chasteté, une germination de la religion. La femme pure, vierge doit garder son corps et son intimité pour son époux. L’amour platonique est accepté dans la société algérienne mais la virginité est une ligne rouge. Avec tous les contacts que la femme ait au cours de ses études, de son travail et dans son milieu social, le risque s’est accru. Elle est plus assujettie au flirt, au désir et à vivre pleinement sa sexualité. Aucun contact physique ne peut avoir lieu entre l’homme et la femme avant le contrat de mariage. Les jeunes filles algériennes se confrontent jusqu’à nos jours à ce conflit interculturel et ethnique.

Polémique de l’article 7 bis du Code de la famille

Un certificat de virginité était demandé aux filles comme tout autre document afin de constituer  le dossier du contrat de mariage. Ce certificat dit de la honte a créé beaucoup de polémique. L’article 7 bis du code de la famille en Algérie promulgue la présentation d’un certificat médical de bonne santé des deux partenaires. L’article parle du certificat prénuptial, Aucun terme dans ce texte ne parle de virginité. Bien que ce certificat de la honte fût demandé par les officiers de l’état civil ou le notaire qui établissaient le contrat de mariage. Devant l’indignation des femmes et des associations féministes algériennes, le ministère de tutelle a bougé pour mettre fin à cette histoire. Il a promulgué une loi en 2005 qui interdit l’exigence d’un certificat de virginité aux futures mariées. Un excès de zèle, fausse interprétation ou est ce qu’être vierge réfère à une bonne santé ou bonne morale ? Sûrement c’est l’objectif de demander ce certificat illicite et humiliant. En tout cas, l’obligation
de présenter le certificat de virginité n’est prévue par aucun texte législatif ou réglementaire.
Textuellement l’article dit ‘’ Les futurs époux doivent présenter un document médical, datant de moins de trois (3) mois et attestant qu’ils ne sont atteints d’aucune maladie ou qu’ils ne
présentent aucun facteur de risque qui contre-indique le mariage’’.

Tous les moyens sont bons pour sauver  ‘’l’honneur familial’’

Entre prohibé social, vie privée et liberté sexuelle, la femme algérienne se voit contrainte de faire recours à des pratiques qui passent sous silence. Aujourd’hui la chirurgie réparatrice pour se refaire un hymen qui va sauver la face de la mariée et de toute la famille est une issu. Bien que ce petit acte chirurgical reste onéreux, la future mariée n’a pas de choix que de réparer sa virginité. Que ce soit un hymen perdu lors d‘un viol qui reste secret pour ne pas tacher l’honneur de la famille, un flirt poussé ou un acte sexuel avec consentement, cet hymen doit être intact la nuit des noces. l’hymenoplastie ou la reconstruction de l’hymen est pratiquée légalement mais secrètement par les jeunes femmes pour échapper au déshonneur. Cette membrane sacrée selon les traditions est le signe de pureté et de virginité que l’homme exige chez la femme. Il doit être le premier dans sa vie et l’initiateur de sa vie sexuelle. Bien que ce soit un sujet tabou, l’hymenoplastie est pratiquée librement mais inscrite par le chirurgien plasticien sous un autre acte.

Le secret des vierges

Le ”rbat” ou ‘’tesfah’’ est une pratique rituelle de fermeture symbolique de l’hymen de la fille avant la puberté.
Des pratiques anciennes mais qui existent toujours, un phénomène inexpliqué par la science, du charlatanisme, une sorte de sorcellerie si on y croit.
En théorie, la fille ‘’marbouta’’ (le rbat) ou ‘’msafha’’ (par le tesfah) ne peut être pénétrée par aucun homme. Une sorte de magie, où l’homme devient ‘’impuissant’’, incapable de dépuceler une femme. Dès l’âge de six ans, son hymen est protégé ‘’miraculeusement’’ par ces pratiques rituelles. Une assurance pour la mère que sa fille va préserver l’honneur de la famille. Ces pratiques traditionnelles de fermeture de l’hymen se suivent de son ouverture un jour avant les noces. Il faut bien que l’homme dépucèle sa mariée, pour prouver sa virilité et la chasteté de son épouse à la société.

La prostitution en Algérie

On ne peut pas parler de sexualité sans citer la prostitution, un sujet tabou en Algérie. Ce vieux métier qui date de la nuit des temps et qui n’épargne aucun pays, y compris les pays arabo-musulmans. Entre désirs sexuels, fantasmes et interdits , la prostitution des femmes en Algérie fait vivre des milliers de foyers, un fait réel qui se cache dans le non-dit. Avant l’indépendance, la prostitution était réglementée par l’administration coloniale française,. On comptait environ 171 maisons closes sur tout le territoire algérien, réparties en maisons closes pour les européens et d’autres pour les indigènes.  Après l’indépendance en 1962, ce chiffre s’est réduit. Mais dans un pays qui redémarre après 132 ans de colonisation, les conditions socio-économiques étaient instables, l’exode rural battait son plein. Les maisons de tolérance demeuraient peu organisées et contrôlées. Avec la montée du terrorisme lors de la décennie noire en 1991, les maisons closes étaient fermées sous la menace des brigades des mœurs.  Les derniers sondages montrent qu’il existe encore 17 maisons closes sous la tutelle discrète des autorités. Les algériens  se permettent des ébats amoureux et assouvissent leurs fantasmes dans des maisons closes clandestines. Plus d’un million de prostituées algériennes vivent et assument leurs familles de ce métier charnel. Un fait qui mène à conclure que les prostituées vivent en couple et que la vie sexuelle des algériens dépasse les restrictions des lois et de la religion musulmane.  De nos jours, on trouve des appartements et des villas de luxe qui servent aux rencontres sexuelles ‘’ illégales’’.

L’homosexualité féminine en Algérie

D’après l’article 338 du Code pénal algérien,  l’homosexualité est punie sous peine de prison et d’amendes. L’emprisonnement peut aller jusqu’à 2 ans. La peine est plus lourde si l’un des auteurs est mineur.
Dans un pays imprégné de contraintes sociales et traditionnelles et où la législation est tirée de la religion musulmane (la Chariaa), il est difficile de vivre son homosexualité librement. Les lesbiennes en Algérie vivent leur relation amoureuse clandestinement.
L’homosexualité est bannie par l’islam, reniée par la société, les lesbiennes se trouvent souvent rejetée par leurs familles dès qu’elles le sachent. Reconnaître son homosexualité s’est prendre le risque d’être violentée et être  répugnée par la famille et la société. Les homosexuels sont considérés comme des personnes anormales, malades, on leur conseille d’aller se faire soigner chez un psychiatre. La femme algérienne est sensée entrer dans le cocon social; sauvegarder l’honneur de la famille, se marier avec un homme et fondre un foyer. Avec l’internet et les réseaux sociaux, les échanges entre cultures s’est accru avec l’espoir que les mentalités évoluent, l’homosexualité féminine est reniée voire déshonorante. Les lesbiennes en Algérie trouvent toujours un nid pour leurs relations amoureuses cachées mais c’est des lieux
temporaires, de circonstance. Le rêve de tous les homosexuels et hétérosexuels
en Algérie est de quitter le pays pour aller vivre librement leurs sexualité dans des pays européens ou autres où l’homosexualité n’est pas punie.

L’algérienne, entre traditions et modernité

En Algérie, les mentalités et les comportements sociaux n’ont pas suivi le rythme de la modernité. Avec les nouvelles reformes en 2005 du code de la famille, la femme algérienne fraie son chemin difficilement dans un conflit socioculturel et ethnique pénible. En 1983, l’Algérie a ratifié la Convention des droits de la femme des Nations Unis. Une convention qui élimine toute forme de discrimination à l’égard des femmes, mais sur le terrain, les choses ne vont pas dans ce sens. Victime de misogynie et  d’injustice sociale, la femme algérienne moderne est encore enfermée dans l’enceinte des traditions et de l’autorité de l’homme, qu’il soit son père, frère ou époux. Qu’a prévu le législateur algérien pour l’émancipation de la femme et l’égalité des sexes? Comment se dessine la vie amoureuse de l’algérienne qui se heurte à une loi qui promulgue la polygamie ? Peut-on parler de liberté d’une femme majeure qui ne peut se marier qu’on présence d’un tuteur ( wali) ?

Code de la famille et droits de la femme en Algérie

Le code algérien de la famille a été modifié, complété et adopté le 9 Juin 1984 sous la loi numéro 84-11. Un ensemble d’amendements qui réglemente les relations dans la famille, y compris le mariage, la tutelle, le divorce et l’héritage. Bien que modifié en 2005, ce code de la famille n’accède pas aux attentes des femmes algériennes et aux militantes des droits de la femme. Un statut législatif qui minimise la femme et touche à sa dignité.
La fille atteint sa majorité à 19 ans, âge où il lui est permis de se marier. Mais elle peut se marier aussi avant cet âge « pour une raison d’intérêt ou en cas de nécessité», comme dans le cas d’une grossesse hors mariage.
C’est entre autres, une porte laissée ouverte pour légitimer le mariage forcé.
Une faille longuement protestée, elle autorise le mariage des mineures surtout dans les milieux ruraux.
Cette phrase « pour une raison d’intérêt ou en cas de nécessité » cache aussi un désastre social : le mariage de la violée par son violeur.
Rien que pour camoufler le déshonneur familial et sans poursuite judiciaire, la fille se trouve liée à vie avec son violeur. Tout un traumatisme et une souffrance psychologique de la femme sont bafouillés tant que le violeur reconnaît les faits et accepte de l’épouser.
Avant sa réforme, le code de la famille fait atteinte aussi à la dignité de la femme dans d’autres articles. On peut citer l’ancien article 39 – 1° du Code de la famille : « l’épouse est tenue d’obéir à son mari et de lui accorder des égards en sa qualité de chef de famille. »
Le retrait de la femme et de son statut commencent du noyau familial, elle doit obéissance et soumission à son mari, le chef. Ceci va se refléter irrévocablement sur ses rapports avec son mari et sur leur vie sexuelle.
Une des conditions du mariage, la femme bien que majeure, elle doit être accompagnée de son tuteur, membre de famille ou autre proche.
Comme si elle ne pouvait pas être responsable de ses actes, pour se marier, elle n’est pas comptée comme une personne à part entière, il lui faut une tutelle.
Tout à cet arsenal de lois d’indignation de la femme, s’ajoute la polygamie.
L’Algérie fait partie de tous les pays arabo-musulmans qui autorisent la polygamie, à l’exception de la Tunisie.  Si la femme algérienne d’antan acceptait une rivale ou des rivales, la femme aujourd’hui n’accepte pas qu’on partage son époux et son amour. Un dilemme que vit la femme en Algérie, entre ce qu’on lui enseigne sur les libertés, les droits et la dignité et la législation misogyne. Le code de la famille stipule jusqu’à nos jours la polygamie. Pour alléger cette soumission, le législateur a ajouté une condition ;
la permission de la première épouse.

L’antagonisme du mariage forcé  et l’égalité des sexes en Algérie

On parle de mariage forcé ou mariage servile quand un mariage est contracté sans la libre volonté d’un des deux époux  ou des deux à la fois. Dans la majorité des cas, le mariage servile est imposé à la gent féminine. Pour les garçons, il y a toujours une marge de négociation. Le mariage forcé se présente sous différents types, tous classés comme forme de violence à l’égard des femmes et des adolescentes. Les familles et proches décident à leur place, quitte à faire pression. Les pressions exercées peuvent être de simples menaces, un chantage émotionnel, une privation de liberté  et parfois des violences physiques et psychologiques. La fille est contrainte d’accepter le choix familial et doit se conformer aux us et coutumes. Devant l’émancipation de la femme algérienne, ces formes de mariages commencent à disparaitre mais persistent toujours dans plusieurs régions. Selon les articles 9, 10, 13 et 33 du Code de la famille, le consentement est juridiquement un élément constitutif du mariage. Un mariage forcé est annulé parce qu’un des éléments de l’union est vicié (article 33) . Des études sociologiques ont démontré qu’après toute crise sociale, économique ou politique, il y a augmentation des cas de mariages forcés.  La famille va chercher à se débarrasser d’un fardeau faute de moyens, surtout que pendant ces périodes de crises, les filles sont déscolarisées tôt.

Les types des mariages serviles ou forcés

Un mariage servile peut être une union civile ou religieuse. On peut distinguer plusieurs types que la société algérienne assimile facilement prétextant  le bien de la fille et l’honneur de la famille.

Mariage traditionnel :

Bien que les jeunes algériens ont plusieurs occasions pour nouer des relations amoureuses et s’unir avec le partenaire élu ( université, travail, lieu public…) le mariage traditionnel reste de vigueur, les parents et souvent la mère choisissent la future épouse pour leur fils.

Mariage familial :

peu répandu dans les zones urbaines par prise de conscience des problèmes de consanguinité et grâce au maillage socio-culturel. Ce type de mariage est prédominant dans les zones rurales, où les mariages se font entre cousins et cousines , c’est la tradition.

mariage arrangé :

ou mariage de convenance: à la recherche d’un statut social plus confortable, une belle dot ou un riche héritage, les familles s’arrangent à unir leurs enfants pour garantir une opulence et une escalade rapide dans l’échelle sociale.

mariage de sécurité :

le chef de famille craint le long célibat de sa fille et opte de la marier à sa guise. Ce type de mariage est rencontré aussi dans les milieux défavorisés, où généralement les filles sont déscolarisées. La famille craint la délinquance , la grossesse et les mauvaises fréquentations, le mariage est plus sécurisant pour leur fille même mineure.

mariage réparateur :

c’est lorsque la jeune fille tombe enceinte lors d’une relation amoureuse. Peu instruite sur la sexualité et les moyens contraceptifs, cet ‘’incident’’ est réparé par un mariage

Catégories de femmes touchées par les mariages forcés

Le mariage forcé en Algérie touche toutes les  tranches d’âge. Les plus importants pourcentages se situent chez les filles très jeunes ayant fait rupture précoce de scolarisation ou chez les filles célibataires qui prennent de l’âge. La fille  doit jouer son rôle d’épouse et de mère dans la société. Déjà très jeune, l’apprentissage pour prendre soin du foyer commence. Chez ses parents , elle apprend à être au service de tous les membres de sa famille, en parallèle à ses études . Une fois mariée, elle va être au service de son conjoint , de ses enfants et souvent de ses beaux-parents. Contrainte de vivre une vie qu’elle n’a pas choisi, la fille forcée à se marier ne cherche ni amour ni plaisirs. Des sentiments dissous dans la satisfaction qu’elle va chercher à procurer à sa famille, sa belle famille et  son conjoint. Le statut de femme mariée dans la société lui suffit largement, elle se résigne aux traditions familiales.

Les mariages précoces des algériennes

Le mariage précoce est classifié comme mariage forcé puisque une des conditions de l’établissement du mariage est le consentement des personnes qui vont s’unir.  Dans le cas des mariages des filles mineures, c’est le père, tuteur ou juge qui décident de cette liaison nuptiale. Toutefois, il est difficile de recenser les mariages précoces, généralement ce sont des contrats de mariage religieux , non enregistrés. Pour cette raison, on croit que les mariages précoces sont éradiqués en Algérie, dans le  Maghreb et les pays arabes. Les autorités concernées algériennes, des ONG et les associations qui luttent pour les droits de la femme et de l’enfant on fait des enquêtes sur terrain sur ce sujet. La population cible était des filles de 15 à 19 ans.  Un travail qui a conclu sur les facteurs influents des mariages précoces en Algérie et qui sont les suivants:
le niveau d’instruction : le mariage précoce est en étroite corrélation avec le niveau d’instruction de la femme. Presque nul ( 0.1 %)  pour les femmes qui ont poursuivi des études universitaires, le pourcentage des mariages précoces est inversement proportionnel au niveau d’étude.  Il est de 11.9 % pour les filles qui n’ont jamais été scolarisées, 14.9% pour celles qui ont fait des études primaires . Pour celles qui ont atteint le secondaire, ce taux chute à 1.4 %
le facteur socio-économique : les mariages précoces sont établis aussi bien chez les familles riches que chez les familles pauvres. Bien que le niveau économique soit peu déterminant, le taux des femmes pauvres mariées précocement est le double du taux de femmes riches mariées de cette façon.
le lieu de résidence: on trouve deux fois plus de filles mariées précocement dans les zones rurales que dans les zones urbaines.
la zone de résidence: la région de résidence est un facteur déterminant pour le mariage des mineures. Il est de l’ordre de 4 à 5 % au nord-ouest, dans les Hauts-plateaux Ouest et les Hauts-plateaux centre et au Sud.  Ce pourcentage de mariages précoce baisse vers 2.9 à 2.3 % dans les Hauts-plateaux Est  et au  Nord-centre qui comprend la capitale Alger. Au Nord-Est , ce taux chute à 0.5 %.

Qu’apportent les nouvelles reformes pour la femme algérienne ?

Les nouvelles réformes du Code de la famille en Algérie ont été adoptées en 2005. des réformes énergétiquement demandées par la société civile qui veut abolir toute discrimination basée sur le genre et garantir les droits de l’enfant. Mais les militants des droits de la femme en Algérie restent outrés de quelques articles inchangés et qui touchent de la dignité de la femme.
Age minimum : l’âge minimum pour se marier est 19 ans que ce soit pour la fille ou le garçon. Avant, l’âge pour le garçon était 21 ans et pour la fille 18 ans. Ce même article qui détermine l’âge minimum des futurs époux stipule toujours ‘’ le juge peut accorder une dispense d’âge pour une raison d’intérêt ou en cas de nécessité, lorsque l’aptitude au mariage des deux parties est établie’’ . Le problème du mariage forcé et des mineures n’est pas résolu.
Le consentement : selon le code de la famille de 1984 et dans sa version modifiée de 2005 , le consentement est un élément constitutif du mariage. Seulement avec le changement des mentalités et connaissant ses droits,  la femme ose porter plainte au tribunal en cas de mariage forcé qui est annulé par le juge.
le gardien légal ou Wali: le père ou toute personne proche de la mariée considérée comme tuteur n’a plus le droit de contraindre son mariage. Dans la nouvelle version, sa présence est maintenue avec les deux témoins. Une présence qui laisse penser toujours à son tutorat mais sans représentativité juridique.
le mariage par procuration : ce genre de mariage est aboli.
le divorce: la femme a droit au divorce de caprice dit aussi de compensation en payant une indemnité à son ex conjoint. Avec le code de la famille de 2005, la femme a droit de conserver le domicile conjugal si elle a la garde des enfants.
la polygamie :  elle est maintenue mais l’époux doit avoir un consentement écrit de sa première épouse ( ou préalablement ses épouses) à présenter au tribunal.
la reconnaissance de la maternité: la mère célibataire a droit de reconnaître sa maternité et de donner à sa progéniture son patronyme.

La femme algérienne, Émancipée mais refrénée par les textes coraniques

Selon la Constitution algérienne, les femmes et les hommes jouissent des mêmes droits civils et politiques. L’Algérie a signé et ratifié plusieurs conventions internationales des droits de la femme. Mais si l’émancipation de la femme algérienne est freinée par les croyances traditionnelles s’est bien du à l’idéologie nationale qui obéit à la doctrine islamique. Entre droits et libertés individuelles, la chariaa et le fiqh , la femme algérienne et d’ailleurs toutes les femmes maghrébines vivent un dualisme. L’évolution sociale et culturelle ne va pas de paire avec les législations bien que réformées. La femme algérienne est contrainte à des lois qui régissent sa vie amoureuse et sexuelle, ses relations et ses choix. Le législateur algérien est loin de concilier les exigences d’une société moderne et le sacré. Les droits universels restent des objectifs difficiles à atteindre avec une constitution et des lois qui se basent sur l’identité et des textes religieux. La situation de la femme en Algérie est le champ de bataille et un enjeu politique entre un régime qui se veut républicain et les forces et partis islamistes.