La vie sociale et donc amoureuse dans le monde arabo-berbère maghrébin est façonnée presque entièrement par l’islam avec son pilier central, le texte coranique et son prolongement, le fiqh (lecture, interprétation et légifération). Nous disons « presque » parce que des résidus de rites ou de traditions ancestrales, antérieures à l’arrivée de l’islam préexistent encore, sous des formes moins païennes, tolérées, régulées grâce à la tolérance et la souplesse de l’école malékite largement prépondérante au Maghreb.
Nous entendons par tabou un système d’interdictions religieuses appliquées à ce qui est considéré comme sacré ou impur. Mais aussi ce sur quoi on fait silence, par crainte, pudeur ou complicité-solidarité. Le terme « interdit » concerne, lui tout ce qui est inscrit comme tel dans les lois du pays et condamnable par la justice officielle. Rappelons pour cela que la justice dans les trois pays du Maghreb, comme dans nombre d’autres pays arabo-musulmans est souvent une synthèse entre la loi d’inspiration religieuse (charia) et des lois modernes souvent établies à partir du code dit de Napoléon. De fait, des lois souvent identiques à celles appliquées en France par exemple.

L’obscénité langagière

Le langage obscène est une forme de violence, un ensemble de signes extrêmement virulents, liés bien sûr à la sexualité et fortement entachés par tout ce que cette activité pourrait avoir de plus laid, de plus répugnant et de plus dégradant.
Elle peut avoir plusieurs fonctions et des cibles différentes :
– étoffer l’injure avec une panoplie de qualificatifs à caractère sexuel qui n’ont pour but que de blesser, faire mal le plus possible à la personne injuriée, jusqu’à l’humiliation suprême, surtout s’il y a témoins.
– caractériser par la méchanceté (souvent gratuite), les défauts physiques ou moraux d’une personne que l’on déteste, en les grossissant jusqu’à l’indécence.
– « amuser la galerie » comme on dit pour faire rire son auditoire, et dans ce cas, cela tourne souvent à la joute oratoire : c’est à celui qui fait les « trouvailles » les plus inattendues ou les plus innovantes. Avec une seule règle commune : que cela ne remonte jamais au-dessus de la ceinture !
Dans sa forme comme dans ses contenus, l’obscénité délimite les bonnes et les mauvaises manières, et trahit en même temps la nature, l’éducation de celui qui l’emploie. Mais aussi le milieu social dont il est issu. Directement liée et dépendante du langage, son impact varie selon le « registre de langue » utilisé.
Tradition ancienne, l’obscénité est même présente dans la littérature classique, souvent exprimée à l’état brut, c’est-à-dire sans circonlocutions, ni fioritures ou autre détour stylistique ! On est donc loin des métaphores châtiées du coran ou d’un écrivain comme Taha-Hussein et plus proche d’un contexte plus dénudé, plus rude et plus empirique : celui de la vie quotidienne.
Injures et obscénité sont souvent, dans le langage maghrébin les deux faces d’une même médaille. Substantiellement riche en évocations sexuelles de tout genre. Il faut noter cependant que la femme subit plutôt l’obscénité et que l’homme plutôt l’injure que l’obscénité, ; mais aucun des deux n’a le privilège de choisir les propos qui lui sont adressés.
En ce qui concerne aussi bien l’injure que l’obscénité, la source est toujours la même : elles émanent de l’homme. Dans l’échelle des valeurs maghrébines (qui sont plutôt strictes) injure et obscénités font partie des actes répréhensibles, condamnables, indéfendables et tendent plutôt à discréditer l’injurieur surtout quand il est obscène en plus.
Les hommes qui jouissent par ailleurs d’une grande liberté de parole et d’action sont soumis dans ce cas à une stricte codification langagière. Quant à la femme, pour qui tout écart de lange est strictement interdit à l’extérieur, elle peut le franchir, parfois avec zèle, une fois à l’intérieur et tout porte à croire que sa liberté de langage est encore plus crue que celle de l’homme. Cela est dû certainement au confinement spatial auquel elle est soumise et l’absence de structures lui permettant de se défouler en dehors du cercle familial.
Toutes les formes idiomatiques du langage obscène maghrébin ont pour cible les organes génitaux, les liens de parenté (doutes sur la filiation), mais aussi tout ce qui est de l’ordre de la scatologie.

Quelques mots ou expressions injurieuse ou obscènes

Le lexique obscène concernant les organes génitaux est particulièrement fourni. Notamment concernant le sexe de la femme. Citons en vrac : le fameux tîz largement répandu, le mot hatchoun (surtout en Kabylie) , farroudj (diminutif du mot farj , vagin en arabe classique). Curieusement, le même mot, farroudj est destiné au coq dans certaines régions de Kabylie et même donné comme prénom à certaine jeune filles (Farroudja).
Allier l’injure à l’obscénité est monnaie courante en la matière, surtout quand il s’agit de la mère : tîz oummouk. (Le vagin de ta mère). Le comble quand vient s’y ajouter le blasphème : inael dîn tîz oummouk (que soit maudite la religion du vagin de ta mère) ! Quand l’injurieur et l’injurié sont tous les deux musulmans…cela laisse pensif.
Quand il ne s’agit pas de la mère, cela paraît moins grave : farroudj oukhtek (podex de ta sœur), pourrait même provoquer un haussement d’épaule chez les jeunes.
Parfois, le langage obscène se « métaphorise » selon la gravité ou non de la situation et le degré d’animosité qui motive les protagonistes. Ainsi, la’ouar (le borgne) désigne le pénis, ainsi que al-fartâs (le chauve) ; quant au hérisson (al qanfoud) , il renvoie au vagin. Zanbour est surtout utilisé en Tunisie.
Voyons ce qu’il en est de la stigmatisation du corps de l’homme, selon les positions, situations ou actes qui seraient indignes d’un homme, un « vrai ».
La majeure partie des expressions consacrées visent d’abord sa capacité virile. Parmi les graves insultes que l’on peut entendre, il y a mokhsi (castrat). La perte de la virilité est associée automatiquement à l’impuissance érectile. Il arrive que celle-ci soit attribué à un acte de sorcellerie que l’on appelle le rabt (nouement de l’aiguilette). On dira dans ce cas que « le malheureux est marbout  (noué, c’est-à-dire impuissant mais à cause d’un acte malveillant). Lorsqu’un homme est trop timide, peu entreprenant, il peut avoir droit donc aux termes mokhsi, marbout ou bâred (froid) ou encore au pire : ‘attaï (pédéraste). A l’inverse, bien sûr, le courage et la « virilité » sont fortement appréciés. En effet, les femmes admirent et sont attirées par quelqu’un réputé avoir eu beaucoup de relations sexuelles antérieures.
Cette conception fantasmée de l’image masculine ignore les incertitudes et possibles échecs du coït. Vision naïve et idéalisée d’un Appollon arabo-berbère qui ne perçoit l’amour qu’à travers la lentille grossissante de la sexualité pré-nubile ou encore à travers la lucarne d’une nuit de noces où la soif de plaisir et de jouissance l’emporterait sur toute autre considération. Or, même au cas où le partenaire masculin serait au mieux de sa forme et l’attirance réciproque très forte, des « pannes » peuvent survenir dues à de multiples raisons extérieures aux dispositions physiques des deux partenaires et cela plusieurs fois dans la vie d’un couple dit « normal ».

Al-qawwâd :
(proxénète, entremetteur) est un mot qui fait allusion surtout au  troc de la mère ou de la sœur par le frère ou plus rarement par le père. Par extension, ce terme a finit par désigner toute personne qui s’adonne au « trafic sexuel » en procurant des femmes (de sa propre famille ou non) à d’autres hommes, l’équivalent en somme du maquereau à la française.
Le mot vient du verbe qâda, yaqûdu en arabe classique qui signifie, conduire, mener ou guider quelqu’un vers une destination donnée. En arabe dialectal il a finit par signifier aussi donner la main à quelqu’un pour le protéger en cas de déplacement (un petit frère ou une petite sœur, une personne âgée ou handicapée…). Toujours par extension, ce terme peut aussi désigner un « informateur » (rapporteur, mouchard), même quand il ne s’agit pas d’informations à caractères sexuel. Ce genre de qawwâd est encore plus méprisable que celui qui s’adonne au commerce du sexe. Et les représailles proportionnelles à la gravité des informations qu’il véhicule notamment auprès de ses commanditaires.

L’obscénité physique

Curieusement, le bas du corps inspire plus les amateurs d’obscénités que le haut. Malgré leur caractère proéminent et relativement mobile, les seins ne sont pas une cible privilégiée. Cela s’explique sans doute par leur fonction alimentaire dans l’allaitement. D’ailleurs, fait remarquable, les femmes peuvent allaiter au sein devant les membres de la famille et même dans les lieux publics (salles d’attentes, moyens de transports…). Cela n’émeut personne et surtout cela ne donne jamais lieu à quelque moquerie ou réflexion désagréable que ce soit.
Le bas du corps étant ainsi privilégié, outre les organes génitaux, il y a une autre partie qui attire particulièrement l’attention et par conséquent les dénominations ou expressions, élogieuses ou obscènes qui vont avec. Il s’agit du postérieur, féminin ou masculin, le derrière, l’arrière-train ou tout simplement les fesses comme on dit communément.
Là encore, la langue arabe que ce soit dans sa forme classique, littéraire ou dans le registre dialectal, fournit un éventail de mots et d’expressions aussi généreux que ne l’est cette partie très importante du corps, du fait de ses fonctions et de sa place à la fois dans le corps, mais aussi dans les actes incontournables de la vie courante.
Les appellations peuvent être favorables, voire exprimer l’admiration ou péjoratives, moqueuses, obscènes…

L’obscénité chez les hommes au Maghreb

Al-Muakhira :

en arabe classique est l’équivalent du français arrière-train. Terme plutôt pudique, il n’est ni péjoratif, ni « positif » et peut être utilisé en toute circonstance, sans choquer.

Al-lourâniya :

( ou derrière, postérieur) est plus utilisé en dialectal, avec modération ; le terme amuse plus qu’il ne choque, mais on lui préfère le mot mgâ’ed (fessier) substantif pluriel qui vient du verbe q’ad (s’asseoir), mot qui renvoie donc plus à la fonction utilitaire de cette partie du corps qui permet le repos en position assise. C’est le terme préféré d’ailleurs chez les médecins quand ils s’adressent à leurs patients(es).

Terma :

Voilà ! Le gros mot est lâché…Ce terme est le plus péjoratif de tous ceux attribués au derrière. C’est l’équivalent de « cul » en Français avec toutes les horreurs que cela inspire dans une langue comme dans l’autre.
Dans l’imaginaire maghrébin, ce mot renvoie à tout ce qui relève du tabou et de l’interdit (sodomie) mais aussi à tout ce qui peut provoquer le dégoût, la répugnance, du fait de la fonction défécatoire.
Le postérieur n’est cependant pas vu, considéré de la même façon, selon qu’il soit celui d’un homme ou d’une femme. Entre hommes, cette partie est plutôt mal vue pour les raisons évoquées plus haut, mais surtout parce qu’elle concerne le suprême tabou/interdit : l’homosexualité comme on le verra plus loin.
Il faut donc cacher autant que faire se peut cette « partie honteuse », tout comme pour les organes génitaux. Dans les sociétés traditionnelles, cela ne posait pas de difficultés : les habits, masculins ou féminins étaient presque toujours longs, amples, de manière à cacher pratiquement toutes les parties du corps. Les pantalons (sarouels) masculins ou féminins étaient conçus de manière à ne jamais mouler le corps, pas même les jambes. Les burnous et les qachabiyas permettaient même de cacher la tête, quand aux djellabas, elles permettaient de dissimuler même les derrières les plus opulents !
L’habillement à l’occidental qui s’est imposé peu à peu surtout en milieu urbain, a quelque peu bousculé cet ordre des choses, notamment avec le pantalon européen, plus serré laissant entrevoir la forme des jambes et surtout des fesses. Cet inconvénient était compensé heureusement par l’existence de la veste que l’on préférait la plus longue possible, comme une sorte de djellaba ou de gandoura par défaut.
Le derrière proéminent outre le renvoie automatique à l’homosexualité (qu’il soit conscient ou inconscient) est non seulement source de moqueries mais devient source d’injures obscènes : bouterma (l’homme au gros derrière) est une insulte insupportable, tout comme boukercha (l’homme au gros ventre, le ventripotent) soupçonné aussi d’être un goinfre insatiable.
Cependant ces restrictions vestimentaires sont de moins en moins valables chez les jeunes générations : jeans et autres pantalons moulants sont recherchés parfois à des prix prohibitifs, selon les marques. Chez les filles, c’est surtout courant dans les milieux aisés dits « occidentalisés ».

L’obscénité chez les femmes au Maghreb

Les fesses sont un critère morphologique de différenciation important concernant les filles et les garçons. La proéminence des fesses chez les garçons , négative, devient une qualité indiscutable concernant les filles. Cette partie du corps féminin entraîne souvent la grivoiserie, voire des attaques ou des allusions. Sans être le critère principal par rapport autres atouts du corps féminin, les fesses constituent une source non négligeable dans le jeu de la séduction.
Les critères qui font état de la beauté plastique dans la littérature arabe érotique sont connus : il faut qu’elles soient à la fois amples mais fermes, douces, avec une peau fine et délicate ; enfin, il faut qu’elles soient gracieuses et suffisamment épanouies afin d’atteindre la puissance sensuelle permettant de rendre la propriétaire sans cesse désirable.
Encore aujourd’hui, au Maghreb, la minceur chez la femme ne correspond pas à l’idéal de beauté comme c’est le cas dans la culture occidentale moderne. La minceur est même considérée comme un handicap, notamment concernant la fécondité, la maternité étant sensée être liée à la luxuriance de la chair.
Chez la femme, l’importance des fesses est liée à un développement pelvien naturel ; il n’en va pas de même chez les hommes. C’est la raison pour laquelle, les adolescents redoutent, très tôt un développement « anormal » de leur postérieur. A l’inverse, une femme n’ayant pas un fessier généreux peut être comparée à un homme et raillée par des termes qui ne sont pas vraiment obscènes, mais blessants, culpabilisants : aïcha-râjel (femme-homme, fille-garçon, garçon manqué).

Les expressions verbales dévalorisantes envers la femme au Maghreb

La ‘âqera :

(‘âgra en arabe dialectal) est la femme stérile. Il ne s’agit pas seulement d’une injure blessante, c’est aussi un constat dramatique que vit intérieurement la femme et qui compromet gravement ses chances de perdurer en tant qu’épouse.

La hajjâla :

(veuve) est, par glissement de sens, consciemment ou non assimilée à la prostituée, insulte grave qui laisse entendre que son abandon est dû à son comportement, une mauvaise vie et au final le résultat d’un châtiment divin. La conception animiste considère en effet , implicitement , que la mort du mari est imputable à sa femme qui lui a été fatale, car mauvaise, impure et maléfique.

La mtallqa :

(divorcée). La malédiction qui entoure la veuve touche aussi la femme divorcée. Cette dernière focalise encore plus de suspicions que la veuve. Mais dans les deux cas, l’usage veut que l’une et l’autre ayant déjà eu des rapports sexuels dans le cadre légal, ne résisteront pas à l’appel pressant du désir, ce qui explique les initiatives souvent pressantes qui briguent avec insistance leurs faveurs.

La skhouna :

(chaude). Elle suscite la crainte et la suspicion, car en matière sexuelle, tout ce qui est apparent sue le plan physique ou comportemental est assimilé à une forme de dévergondage inadmissible, insupportable. La vue ou le pressentiment d’un « tempérament ardent » chez une femme suscite bien sûr attirance et convoitise, mais aussi la peur de se retrouver face à un être incontrôlable sur un des terrains les plus glissants et les plus surveillés. La « chaudasse » se retrouvera donc inéluctablement face à un partenaire (époux ou amant) méfiant, constamment sur le qui-vive afin de conjurer et de tempérer les ardeurs de sa compagne, car cette énergie sexuelle au dessus de la norme ne peut être évidemment que l’œuvre du shaytân (Satan) et ne peut mener qu’aux pires dérives…
Cette disposition est même assimilée à une forme d’hystérie féminine (une de plus) avant d’être considérée comme une maladie mentale comme tant d’autres.
L’homme dit » skhoun » en revanche est plutôt bien vu. Dire d’un homme qu’il est skhoun revient à valoriser chez lui ses aptitudes génésiques. Par extension, ce terme a finit par être associé aux valeurs de courage et bien sûr de virilité. Il entraîne l’admiration mais parfois aussi la crainte car l’»homme chaud » est sensé avoir aussi le sang chaud et peut être capable de réactions imprévues en cas de malentendus ou de différents.

La qahba :

(Littéralement, la putain). L’une des injures les plus fréquentes avec celle de ‘attâï (pédéraste). Il y a même un verbe crée pour qualifier un homme qui a des comportements efféminés ostensibles : yatqahban .Ce dit aussi pour l’homme qui enfreint certaines règles propres au territoire de la masculinité « virile » au sens de l’honneur, la rectitude, la promesse tenue ou non ; appliqué surtout aux « zélateurs » en tout genre et autres lèche-bottes.
Peut être considérée comme qahba celle bien sûr qui pratique ce « métier » dans le cadre légal selon les lois de chaque pays, mais aussi toute femme soupçonnée de moeurs légères, mariée ou non, dès lors qu’elle adopte un comportement non conforme aux normes : positions physique jugées provocatrices,(par exemple s’asseoir par terre avec les jambes écartées), rires exagérés à haute voix surtout quand ils sont accompagnés de tapes sonores sur les cuisses, chants en solitaire toujours à voix haute surtout si les paroles ont trait à l’amour etc…Cela peut aussi s’adresser (sans forcément un lien avec la sexualité) à une femme trop bavarde qui jase sur autrui en rapportant des faits réels ou supposés sur leur vie privée…

Les faits et gestes obscènes

Chez les hommes, il y a bien sûr l’universel bras d’honneur, avec de préférence le point bien fermé, transformant l’avant-bras en fort symbole phallique. Ce geste, peut se retrouver chez des femmes en milieux de prostitution au même titre que certaines injures proprement masculines. Les prostituées, à force de fréquenter des hommes de tous les milieux finissent par adopter leur langage et même d’une certaine façon, leur manière de penser et d’agir.
Le geste le plus obscène et ouvertement provocateur pouvant déboucher sur de la violence physique consiste à mettre les deux mains au niveau des testicules avec un mouvement de bas en haut comme pour soulever tout l’appareil génital.
Une autre façon d’exprimer le mépris : gonfler l’une des deux joues, puis appuyer dessus avec l’index ou le plat de la main, de façon à faire sortir de la bouche un bruit plus fort et plus désagréable que celui du pet.
Pour signifier à quelqu’un que ses propos ou son comportement sont « nuls », il suffit de réunir le pouce et l’index en forme de zéro, geste ayant l’avantage de rappeler l’anus, centre même de la partie honteuse, la terma. Pour être plus explicite et plus provocateur, il suffit d’introduire dans ce cercle le majeur de l’autre main, ce qui renvoi ouvertement au coït.
Chez les femmes, les procédés sont quelque peu différents. Le coup de la  »joue gonflée » qu’on dégonfle bruyamment peut être utilisé, parfois même en famille ; mais elles ont d’autres « techniques » et moyens.
Le geste le plus courant consiste à dresser le majeur vers le haut en fermant les autres doigts et à agiter la main de bas en haut. Sorte de « doigt d’honneur », ce geste que l’on peut voir aussi chez les hommes, avec le doigt le plus long en forme de phallus, les femmes peuvent l’échanger entre elles en cas d’hostilités.
Le même geste, mais avec le doigt plutôt pointé vers l’adversaire (femme ou homme), signifie : « tiens, prends ça dans l’œil » (pour le crever). C’est un peu calqué sur les fameux cinq doigts de « la main de Fatma », sauf que ce symbole est plutôt destiné à conjurer le mauvais œil.
Pour avertir quelqu’un (femme ou homme encore une fois) et lui intimer l’ordre de ne pas recommencer, la femme pose l’index sur la paupière inférieure de l’œil droit et tire dessus vers le bas. Ce qui veut dire «  ouvre l’œil » mais en signe de menace. Ce geste est assez impressionnant du fait qu’il défigure de façon très laide la personne mise ainsi en colère.
En signe de désapprobation pas forcément hostile, il suffit à la femme d’exécuter quelques rotations avec la tête et si la situation l’exige, de foudroyer du regard la personne visée.
Enfin, le moins obscène mais tout aussi désagréable à voir, pour signifier à son interlocuteur que ses propos ne la touche pas, la femme se saisit du lobe de son oreille droite et tire dessus, un peu l’équivalent de l’expression française « ça rentre par une oreille et ça sort par l’autre ». Ou pire quand cela est accompagné par l’expression formulée verbalement : »tu es dans mon oreille », orifice qui là encore peut renvoyer à un autre que la femme évite de désigner expressément.

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