Diaspora et immigration maghrébines dans les pays du Golf
Sommaire
- Les pays du Golfe : un nouvel Eldorado ?
- Une immigration de provenances diverses
- L’immigration maghrébine aux EAU et au Qatar
- Qu’en est-il de l’immigration féminine dans les pays du Golf ?
- Emirats du Golfe et Qatar : allier la réussite économique au rayonnement culturel
- Notes :
- Bibliographie indicatives et sources numériques :
DIASPORA MAGHREBINE DANS LES PAYS DU GOLFE : (2)
Les pays du Golfe : un nouvel Eldorado ?
Des Paradis tout droit surgis des sables !
Les Émirats arabes unis ( EAU ) sont un Etat fédéral, créé en 1971, situé entre le Golfe Persique et le Golfe d’Oman. Il est composé de sept émirats: Abou Dabi, Ajman, Charhah, Dubai, Fujaïrah, Ras el Khaïma et Oum al Qaïwaïn. Abou Dabi a été choisie comme capitale fédérale. Les sept Émirats ne sont pas égaux entre eux en ce qui concerne les ressources pétrolières. Les principales réserves gazières et pétrolières sont dans l’émirat d’Abou Dabi.
A noter que le Qatar, émirat indépendant, ne fait pas partie de cette fédération de micro-états, mais entretiens des relations très étroites avec ses voisins, pour des raisons historiques, économiques, culturelles et religieuses.
Les Émirats arabes unis comptent parmi les plus importants producteurs et exportateurs de pétrole au monde. En 2018, ils comptent 9 701 315 habitants. L’ONU estime que 90 % de la population est constituée d’immigrants.
Les Emirats arabes unis et surtout l’émirat de Dubai se sont tournés depuis quelques années vers de nouvelles ressources telles que les ports francs, les nouvelles technologies mais surtout le tourisme de luxe. La ville de Dubaï est d’ailleurs devenue la capitale économique de la fédération.
Outre le tourisme de luxe et les nouvelles technologies, les Emirats et surtout le Qatar se tournent vers la culture avec un sens de l’ouverture surprenant : ouverture de musées, d’antennes universitaires européennes, de centres de recherches en attirant les meilleurs spécialistes du monde dans toutes les disciplines…
Depuis la découverte des hydrocarbures dans les années 1950 dans la péninsule arabique, les pays du Golfe attirent d’importants flux de populations. Ces flux se sont accentués à partir des années 1970, et les pays membres du Conseil de Coopération du Golfe (CCG) constituent aujourd’hui un des plus gros foyers mondiaux de réception des migrants internationaux.
Une immigration de provenances diverses
Les travailleurs immigrés dans le Golfe viennent du monde entier et ont différents niveaux de connaissance et de formation. Certains viennent d’Occident (ingénieurs, membres des conseils d’administration d’entreprise), la main d’œuvre qualifiée est arabe ou indienne, et les emplois non qualifiés (emplois domestiques ou dans le bâtiment pour l’essentiel) sont occupés par des Népalais, des Bangladais, des Philippins, des Indonésiens et des Pakistanais. La majorité (plus de 50%) vient d’Asie.
Connaissant une très forte croissance, rapide et soutenue, malgré la crise et les variations des prix du pétrole et du gaz, d’un point de vue purement démographique, les Etats du Golfe ne peuvent répondre à la demande de main d’œuvre, et ce d’autant plus que les femmes travaillent peu. De plus, les populations locales ne sont souvent pas assez qualifiées pour les postes proposés car mal formées, et elles préfèrent ne pas accomplir des tâches pénibles ou faiblement rémunérées. L’Etat est souvent un gros employeur de main d’œuvre nationale et réserve les emplois publics pour ses ressortissants, avec des salaires attractifs comparés à ceux du privé. Ainsi, en Arabie saoudite, l’Etat emploie aujourd’hui 70% de la population active.
Ce qui distingue au premier chef de l’immigration dans les pays du Golfe, c’est qu’elle présente une combinaison particulière : elle est à la fois inter-pays arabes et inter-pays-en-développement. C’est qu’en dépit du discours commun à tous les pays arabes prônant le panarabisme, il y a très peu de choses qui prouvent que l’immigration en provenances des pays arabes est privilégiée. Les facteurs culturels (langue, religion, histoire) ne jouent qu’un rôle secondaire dans la détermination des flux migratoires, et qu’au contraire ce sont les préoccupations professionnelles qui y sont essentielles.
L’immigration maghrébine aux EAU et au Qatar
L’immigration maghrébine vers les EAU et le Qatar est relativement récente. Traditionnellement tournés vers les pays d’Europe, ce n’est que depuis une vingtaine d’années que les candidats à l’immigration regardent vers les pays du Golfe, d’autant plus que les mesures restrictives d’accès aux pays européens ont été renforcées.
Les Maghrébins y sont appréciés pour leur bonne formation scolaire, leur bilinguisme voire trilinguisme (outre l’arabe et le français, ils parlent souvent une autre langue,l’espagnol ou l’italien), ce qui leur permet d’occuper des postes dans l’enseignement, l’hôtellerie, le tourisme ou les médias.
Les Maghrébins se retrouvent aussi dans les professions médicales et paramédicales (nombreux Tunisiens), parmi les rangs de la police et des sapeurs-pompiers (Algériens) et dans tous les secteurs qualifiés où les émiratis souhaitent combler leurs manques. C’est ainsi par exemple que la compagnie aérienne Qatar Airways, connaissant un développement fulgurant, a attiré de nombreux pilotes de ligne algériens et tunisiens en leur offrant des salaires trois à quatre fois supérieurs à ceux de leur compagnie nationale, ou la célèbre chaîne de télévision Al-Jazîra a réussi à « débaucher » les meilleurs journalistes des trois pays du Maghreb.
Les travailleurs maghrébins qualifiés, eux, sont séduits non seulement par le salaire mais aussi par les avantages offerts, tels que logement de fonction, éducation gratuite pour les enfants et gratuité des soins. Ils sont aussi attirés par la possibilité de vivre en tant qu’émigrés dans un pays arabe et musulman où ils peuvent pratiquer leur religion en toute liberté.
Qu’en est-il de l’immigration féminine dans les pays du Golf ?
L’émigration féminine est un phénomène qui fut observé en Europe bien avant que les Emirats et le Qatar ne deviennent une destination recherchée par les émigrants maghrébins potentiels.
Pour des raisons essentiellement économiques, des femmes marocaines par exemple, sont parties toutes seules et non plus dans le cadre d’un regroupement familial.
Depuis quelques années, la réputation de ces Marocaines étant entachée par les activités de certaines d’entre elles impliquées dans la prostitution, les autorités des pays d’accueil ont redoublé de vigilance vis-à-vis de l’immigration féminine maghrébine en général et mis en place des contraintes administratives supplémentaires. Côté pays maghrébins aussi, les contrôles au départ, exigeant notamment que les postulantes à l’immigration soient accompagnées d’un tuteur, père, mari ou frère.
Au Maroc, les autorités ayant démantelé plusieurs réseaux de prostitution, celle-ci s’est exportée directement dans le Golfe, où elle a eu pour effet d’associer l’image de la femme marocaine à celle des autres Maghrébines et de porter un préjudice considérable à celles qui sont dans ces pays pour des activités licites.
Pour en savoir plus sur ce sujet sulfureux, consulter, ici, ici et encore là, la matière ne manque hélas pas.
https://www.bladi.net/prostituees-marocaines-pays-arabes.html
http://www.jfcconseilmed.fr/files/14-06-29—LExpression–Maroc-fournisseur-de-prostituees-aux-pays-du-golfe.pdf
https://fr.le360.ma/societe/traite-des-etres-humains-a-dubai-des-marocaines-dans-lenfer-russe-208956
Aux EAU et au Qatar, nombre d’entre elles sont dans les secteurs sociaux et éducatifs ou employées de maison, cuisinières ou gardiennes d’enfants…
Celles, diplômées et aptes à occuper des postes importants, sont toutes aussi recherchées que leurs homologues masculins, dès lors qu’elles acceptent de respecter quelques règles locales, comme le port d’un foulard, par exemple (ce qui n’est pas automatiquement exigé pour les femmes occidentales).
Emirats du Golfe et Qatar : allier la réussite économique au rayonnement culturel
On ne saurait créer le Paradis sur terre, sans disposer d’une dimension culturelle digne de ce nom, capable de rivaliser avec les plus grandes capitales du monde.
Aspirant à devenir le centre universitaire et culturel de la région – Doha abrite entre autres, le Musée d’Art Islamique, œuvre de l’architecte Ming Pei (1), le Mathaf, musée arabe d’art moderne, le Musée national du Qatar conçu par Jean Nouvel (2), et un musée orientaliste…
Le Qatar cherche à attirer les étudiants maghrébins. La possibilité ainsi offerte d’étudier dans de prestigieuses universités implantées à Doha constitue un attrait indéniable, mais celui-ci reste limité. En effet, malgré l’importation de capacités éducatives de haut niveau et de grande qualité, le Qatar est loin de pouvoir rivaliser avec l’attrait qu’exercent encore, auprès des futures élites maghrébines, les universités et les grands centres de formation du monde occidental.
Les artistes maghrébins par contre sont attirés. Doha, avec la représentation de tous les arts peut prendre des allures de paradis. À la fois par la reconnaissance déniée dans les pays d’origine, les exceptionnelles facilités mises à leur disposition mais aussi par la possibilité de côtoyer les plus grands artistes internationaux. Les EAU et surtout le Qatar multiplient les expositions, spectacles, forums et festivals de toutes sortes et de ce fait attirent les artistes du monde entier. Par l’intermédiaire de la Qatar Foundation, le pays sollicite la participation internationale à des concours et autres manifestations culturelles. Les Maghrébins y ont leurs chances comme tout le monde et les artistes dans tous les domaines – peintres, sculpteurs, cinéastes et musiciens – s’y précipitent.
Aujourd’hui les capitales du Golfe aspirent à remplacer les centres de culture traditionnels tels que le Caire, Beyrouth et Bagdad, Damas… La désastreuse situation économique et politique de l’Egypte, les conflits qui sévissent à Bagdad et à Damas, ainsi que les tensions qui persistent dans un Beyrouth qui a connu tant de déboires ces dernières années, les favorisent largement.
Mais que pensent les Maghrébins de leurs hôtes qatariens ou émiratis et quelles sont les relations avec la société d’accueil ? Qu’ils soient passés par l’Europe ou l’Amérique du Nord avant d’avoir émigré aux émirats ou qu’ils s’y soient rendus directement, tous les Maghrébins installés dans la région manifestent le même sentiment : un mélange d’admiration, de satisfaction, mais aussi un peu de déception.
Considérés comme des « frères » tant qu’ ils étaient chez eux, ils deviennent aux des « travailleurs invités » au même titre que les autres. les Qatariens ne faisant pas plus d’efforts pour les immigrés algériens qu’ils n’en font pour les Palestiniens, pas plus pour les Marocains que pour les Libanais. La solidarité tant affichée par les dirigeants qatariens quand il s’agit d’attirer chez eux les classes moyennes maghrébines ne semble guère se traduire par une quelconque sympathie au niveau des habitants.
Certes, les Maghrébins ne sont pas traités comme les Asiatiques, (solidarité arabe exige), ils ne travaillent pas non plus dans les mêmes secteurs, mais ils ne bénéficient pas d’une sympathie ou tolérance particulières. Ils se plaignent tous d’un certain isolement, de la non-communication avec les les gens du pays parce que les sociétés du Golfe restent fermées aux étrangers en général.
Les Maghrébins religieux pratiquants ou non, et non religieux vivant dans les pays du Golfe découvrent très vite les immenses et profondes différences culturelles qui existent entre leur pays d’une part, et le pays d’accueil d’autre part, malgré une langue et une religion communes : rapport au monde extérieur, relations hommes-femmes, musique, gastronomie, malgré les similitudes, les Maghrébins sont bel et bien dans un monde étranger dont les désagréments – absence de divertissements, isolement, codes sociaux différents, etc. – nourrissent une nostalgie profonde. Il est intéressant de noter que c’est dans les pays du Golfe que les Maghrébins prennent vraiment conscience des grandes différences entre leur région, le Maghreb, et le reste du monde arabe ; qu’ils découvrent la diversité de leur société, son ouverture sur le monde et sa relative tolérance, ainsi que l’importance des liens historiques et culturels de leur pays avec l’Europe en particulier et le monde occidental en général.
Notes :
(1) eoh Ming Pei , est unarchitecte américain d’origine chinoise né le 26 avril 1917 à Canton et mort le 16 mai 2019 à New York. Il est connu notamment pour sa construction de la pyramide du Louvre.
(2) Jean Nouvel, né le 12 août 1945 à Fumel (Lot-et-Garonne), est un architecte français contemporain de renommée internationale.
Parmi ses œuvres :
Institut du monde arabe, Paris
Louvre Abou Dabi, Abou Dabi
Musée national du Qatar, Doha
Bibliographie indicatives et sources numériques :
Philippe Cadène et Brigitte Dumortier, « L’impact politique des flux migratoires dans les États du Conseil de Coopération du Golfe », L’Espace Politique [En ligne], 4 | 2008-1, mis en ligne le 11 mai 2009, consulté le 28 février 2017.
Nazim Kurundeyr, « Derrière l’eldorado, l’Enfer », Manière de voir, Le Monde diplomatique n°147, Juin-juillet 2016
Pierre Jovanovic, « Le Qatar veut conserver la « Kafala » pour les travailleurs immigrés », La Croix, le 24/06/2015 à 13h48
Stéphane Lagarde, « Etats du Golfe : 90 ONG et syndicats dénoncent le « kafala » », RFI, le 23-11-2014
M.Mokhefi/Immigration Maghreb-Qatar – Notes de l’ Ifri